Séminaire GT Santé Numérique

Dans le cadre de son séminaire en ligne annuel, le Séminaire GT Santé Numérique du Réseau de Jeunes Chercheur·euses Santé et Société de la MSH Paris Nord est ravi de recevoir Maud Barret Bertelloni, le 17 avril de 17h00 à 17h30. Sa présentation portera sur « Les ressorts de l’hégémonie technique : la dynamique politique de l’informatisation de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (1963-1979) ».


Initialement gérée de manière autonome au niveau des caisses primaires au début des années 1960, l’informatisation de la Sécurité sociale et de sa branche maladie a fait l’objet d’un intense conflit concernant ses implications institutionnelles et industrielles. Développée à un moment de grand conflit, à la suite des ordonnances de 1967, elle coïncide aussi avec le Plan Calcul (1966-1975) et l’effort de développer et d’implanter en France une industrie informatique (Mounier-Kuhn, 1994). Se rencontrent ainsi autour des efforts de développement de la “Configuration Nationale” à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, les caisses primaires, les syndicats, la Caisse nationale, ses ministères de tutelle et les constructeurs, leurs intérêts et leurs visions divergentes des promesses et du potentiel de l’informatique. Ce n’est qu’après des années d’opposition et un passage en force administratif que s’imposent d’abord la “configuration moyenne”, puis sa “version refondue”, deux configurations centralisées du point de vue du software comme hardware et associées à une vision “systématique” du traitement de l’information à la Sécurité sociale et une vision centralisée de sa gestion.

Dans une approche de philosophie empirique, cette histoire permet de revenir sur les relations entre techniques et pouvoir. L’étude des documents d’archive concernant l’informatisation de la CNAM, collectés par son directeur Christian Prieur (1968-1979) (Archives Nationales, 20080146/6-20080146-8) dialogue ici avec la philosophie des techniques, autour de la notion d’”hégémonie technologique” d’Andrew Feenberg (Feenberg 1999 ; Kirkpatrick 2020). Elle met en lumière l’importance des rapports de pouvoir dans la “définition” institutionnelle des techniques (dans ce cas, l’informatique, ses promesses et son potentiel pour la CNAM) et, inversement, le rôle de la technologie dans le maintien des rapports de pouvoir institutionnels, naturalisant les relations sociales par des moyens technologiques et neutralisant le conflit (dans ce cas, une conception centralisée des systèmes informatiques renforçant la centralisation du système de protection sociale, sous contrôle de l’État). L’échec des plans alternatifs d’informatisation proposés par les syndicats ouvre enfin une réflexion sur les limites de l’horizon offert par diverses conceptions de “démocratie technique” (Latour 2004; Callon, Lascoumes et Barthe 2001), son imbrication avec la démocratie institutionnelle et l’importance du maintien d’alternatives techniques viables au sein de l’institution.

Maud Barret Bertelloni, COSTECH (UTC), médialab (Sciences Po)

Programme détaillé

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IRDA